Innocence est un film exigeant. Tant par le fond que par la forme, Lucile Hadzihalilovic réalise une œuvre terriblement étrange. Etrange par ce qu’elle montre, par ce qu’elle dit mais surtout par ce qu’elle ne montrent pas et ce qu’elle ne dit pas. Laissant au spectateur à des douloureuses pensées. Car je vais pas me cacher mais voir des petites filles élevés dans un pensionnat qui sont mise en scène pour un public restant dans l’ombre, on a très vite l’envie de faire des raccourcis (inutiles) avec certains faits passés. Pour autant à aucun moment on ne tombe dans une voie sans issue. La réalisatrice fait de son film une chose totalement neutre, quasiment dénué de sentiment, très opaque. Un univers entièrement féminin qui ne soulève jamais totalement le voile. Par contre des allusions, les rubans notamment dans la séquence du départ. Car au moment ou les jeunes filles les plus âgées quittent l’établissement, elles laissent derrière elles ces fameux rubans qui les différencient. Métaphore d’un corps qui se transforme, le ruban symbolise la hiérarchie au sein des filles quasi livrées à elles mêmes. Mais tous ses petits rubans entassés dans la boite ressemblent à s’y méprendre à une rose qui ressemble au sexe de la femme. L’idée directrice, analogie de la chrysalide, est d’accompagner des jeunes demoiselles dans leurs phases de métamorphose. Un cycle qui prend son temps, comme le film, qui demande patience, comme pour le spectateur. La réalisation fait très conte de fée. Aucun mouvement d’appareil tout est structuré comme des cases d’une bande dessinées. Le film a une imagerie magnifique, entre épure et explosion. Avec des couleurs tantôt feutrées, tantôt vives, le contraste est saisissant dès le début du film. En définitif je ne saurais dire si j’aimais ou pas. Le manque de précision fait que le film reste dans un entre deux. Personnellement dès la première séquence (le jaillissement d’eau) j’ai été en apesanteur et même si durant le film je suis redescendu par moment j’en ressors comme dans les vapes. Un sentiment étrange comme le film.